Les démons

Cette œuvre qui compte plus de quinze cents pages, et que son auteur a mis trente ans à construire, ne peut en aucune façon être considérée comme un livre ordinaire. Car il s’agit d’un univers vivant auquel chacun de nous, inconsciemment ou non, a le droit de participer en y apportant son esprit particulier, son goût de la grandeur ou du silence, son sens de l’espace. Le Temps est le principal personnage de cette gigantesque architecture ouverte sur le monde moderne, et dont la réalité historique tient sa place – géographiquement et temporellement – à Vienne (Autriche) entre l’automne 1926 et le 15 juillet 1927, jour où l’incendie du Palais de Justice marque une date fulgurante dans le destin d’un pays considéré jusque-là comme libre.
Entre ces deux dates précises, la société autrichienne tout entière (ses villes, ses fleuves, ses correspondants du monde entier, ses forêts, ses campagnes, son grouillement et sa solitude, son avenir et son passé) est systématiquement explorée par un écrivain génial qui a entrepris la chronique de ceux qu’il nomme « Les Nôtres ».
Les individus, dont il consigne presque minute par minute l’existence, n’y agissent pas ; mais leurs destins mille fois entrelacés et défaits dans tous les sens par les événements (ou l’absence d’événements) révèlent peu à peu, avec la rigueur d’une nécessité fondamentale, un ordre magique, la lucidité démoniaque de l’auteur, l’ « image mouvante de l’éternité ».